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470 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Geneviève que son père ne l'a vue : qui sait si elle n'a pas emporté son désespoir dans la mort ? Et, comme on nous le laisse entendre, les propos de l'abbé Manchon sont un peu des propos professionnels de prêtre : quel est, derrière cet autre voile, leur fonds et leur poids d'humaniré ? Le livre a l'appa- rence d'un dialogue, où il faut finir, mais où on ne conclut pas réellement, et nous sommes invinciblement portés à estomper l'image sur laquelle il s'achève, à voir devant nous non une route toute faite qui nous appelle, mais une forêt épaisse et mysté- rieuse où il nous appartient d'abattre des arbres et d'ouvrir des pistes.

ALBERT THIBAUDET

M. Aragon veut bien m'écrire la lettre suivante :

Je n'ai pour vous, Monsieur, qu'une estime limitée, et je ne lis guère la N. R. F. Cependant il me paraît bien regrettable qu'à l'instant où vous prenez la défense de Rimbaud vous croyiez bon d'accréditer encore la légende qui fait de Lautréamont un fou. Je vous prie de bien consi- dérer avec quelle légèreté ceux de qui vous tenez cette certitude vous ont assuré d'une démence, au moins discutée ; sur quels textes s'ap- puyaient leurs dires ; et quels secrets motifs vous les font si facilement accepter. Je ne pense pas que savoir le cas que je fais d'Isidore Ducasse soit pour vous l'occasion de reviser un procès, je veux le croire, trop hâtivement instruit. Mais sachez cependant, que pour moi et pour quelques autres, aucun poète ne tie7it devant Rimbaud, si ce n'est Lau- tréamont même, qui le dépasse de la tête. Excusez-moi.

LOUIS ARAGON

Je serais heureux de voir M. Louis Aragon « discuter » cette démence dans la N. R. F., qui ce jour-là au moins méri- tera d'être lue. Mon opinion était à peu près celle de Rémy de Gourmont, qui dans une étude sur Maldoror écrivait : « La folie est indubitable. » Les seuls textes sur lesquels me pa- raissent s'appuyer ces dires ce sont les Chants de Maldoror et les Poésies, qui ressemblent d'une façon frappante aux écrits d'aliénés, publiés par des médecins. Que ces pages soient souvent plus intéressantes et plus littéraires que la prose médi- cale qui les entoure, je le reconnais. La folie évidente qui frappe les Rêveries du promeneur solitaire ne diminue pas notre admiration pour le livre. La littérature des Illuminations est

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