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verdi par la mousse. Malgré les chaises de jardin qu’on aperçoit sur l’herbe, tout sent l’humidité, l’abandon. Mais la hauteur des fenêtres aux petites vitres carrées suffit pour conserver au vieux bâtiment son air de noblesse. Vernois songe à la mesquine décence des maisons où il a vécu dans l’est, à leur laide commodité. Et tandis qu’il revoit les festons de zinc du petit auvent qui surmonte l’entrée de son habitation actuelle, il trouve ce qu’il voulait répondre à Clymène :

— Puisqu’à Follebarbe on ne veut considérer que l’instant le plus héroïque, on nous y donne raison à nous qui réclamons pour les sacrifices de la guerre une justice à part. C’est le contraire de l’esprit mercantile qui, lui, ne s’intéresse qu’aux moyennes et qui, toujours, avant d’admirer, trouve du passif à déduire, des faiblesses à défalquer. Tel combattant a fait don de sa vie ; oui, mais il avait manqué de courage trois ans plus tôt ; cela se balance, et l’on se croit quitte avec lui. C’est ce que nous n’admettons pas. Tout l’arrière s’applique à ces soustractions, de peur que la vertu dépensée pendant la guerre ne rompe l’équilibre et ne mette sur les épaules de ceux qui survivent un trop écrasant fardeau de reconnaissance.

— Mais comment expliquez-vous que mon oncle ?…

— Je ne sais pas… Il n’a cessé de m’étonner depuis que je suis ici… Il faut croire qu’il se sent en place dans le vieil équilibre et qu’il ne souhaite pas qu’on y change grand’chose. Et puis, il a d’autres raisons, plus directes. Il travaille, (comment dire ?) à l’épuration de sa famille.

Elle rougit ; il sent que le mot trop brutal l’a blessée et il en éprouve d’autant plus de contrariété qu’il voulait, dans ce dernier entretien, tenter un nouvel effort en faveur du petit Antoine. Il se rattrape du mieux qu’il peut :

— Peut-être suis-je dur pour le général, mais vous savez par quels sentiments de vénération j’ai débuté. Je ne me pardonnerais pas de vous avoir mise en défiance. Sur un point tout au moins j’ose vous supplier de ne pas vous