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Page:NRF 18.djvu/726

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Mais cela, Vernois n’en a pas le courage. Du moins veut-il être ferme et bref :

— Mon petit, ta mère t’a fait descendre parce qu’il faut que je te dise adieu. Je ne pourrai revenir ni la semaine prochaine, ni le mois prochain, ni peut-être avant très longtemps… Même s’il arrive que jamais tu ne me revoies, il ne faudra pas croire que je t’oublie… J’aurais bien voulu rester toujours près de toi, mais voilà que c’est impossible.

Un sourire gêné paraît sur le visage du petit. C’est comme si les mots ne l’atteignaient pas, au fond des fraîches ténèbres où vit l’enfance. Vernois ne peut se résoudre à partir sans avoir obtenu ne fût-ce qu’un regard affectueux :

— Si jamais tu as de la peine, ou des ennuis, ou simplement s’il te manque un camarade à qui raconter ce qui t’intéresse, rappelle-toi que tu n’as qu’à m’écrire. Je te répondrai tout de suite… Et maintenant, comme il ne faut pas que je manque mon train, serrons-nous la main bravement. Et n’oublie pas ton vieil ami qui a du chagrin de s’en aller.

Les doigts du petit se laissent prendre distraitement. On dirait qu’à la seule annonce de la séparation, son imagination s’est résignée et déjà regarde ailleurs. Vernois comprend que cette docilité du cœur fait la grâce de cet âge, mais il en éprouve un cruel pincement. Du moins peut-il sans danger prendre dans ses mains la tête de l’enfant ; il l’embrasse :

— Adieu, mon bien cher petit.

Mais l’imprudence est faite. Les bras se sont noués autour de son cou. Il sent qu’il ne s’en libérera qu’au prix d’une violence déchirante :

— Allons, lâche-moi. Ne me serre pas ainsi.

L’enfant crie à sa mère :

— Fermez la porte à clef ! Fermez pendant que je le tiens !

Mais quand il voit que, réfugiée dans une embrasure,