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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 733

J'emploie le mot au sens où Saint-Simon parle des bourgeois porphyrogénètes, des dynasties ministérielles de Colbert, de Le Tellier, de Phélypeaux. Ces familles littéraires, si exception- nelles autrefois, n'apparaissent guère de façon courante qu'après 1850 — littérature fraternelle type Concourt, littérature hérédi- taire type Dumas. Elles constituent aujourd'hui un cas assez fréquent pour qu'il soit temps d'en faire la psychologie particu- lière. Sous ce titre de Pophyrogénètes]e vois assez bien le curieux roman ou le livre intéressant de critique qu'on écrirait. M. Daudet lui-même, depuis Hâres jusqu'à VHeredo a été attiré là comme par un problème personnel. Né dans l'ombre des statues, il en est évidemment sorti, mais les gouttes de cette ombre se mêlent encore à son soleil.

��Critique du Midi d'une part, critique par tradition d'artiste et de Grenier d'autre part (il existerait de même, chez tels ou tels, une critique de salon et une critique de café, l'une et l'autre méritant attention), M. Daudet s'affirme des deux côtés critique anti-romantique. Mistralien il estime que le roman- tisme n'est pas de chez nous, — dans l'espace. Familier des écoles artistiques (ou plutôt d'une école), il juge que le roman- tisme n'est plus à la page, — dans le temps. Et depuis 1850 il est ordinaire que toute doctrine littéraire s'arbore comme une réaction contre le romantisme, mais que chacune de ces réactions soit accusée par la réaction concurrente ou la réac- tion suivante d'être elle-même une réaction romantique. Je n'irai pas analyser chez M. Daudet ce que M. Benda a appelé le romantisme de la raison. Il est exagéré de crier : au roman- tique ! devant tout ennemi passionné du romantisme. Il y a ce fait beaucoup plus clair et plus simple. Notre Midi n'est pas romantique. Nos écrivains méridionaux, qui vivent à Paris, sont toujours quelque peu imprégnés de romantisme, mais ils le portent avec une mauvaise conscience. Ils y voient — ce qui est en partie exact — une nature commune avec le nord anglo-saxon et germanique. Ils veulent nous défendre, ce qui part d'un bon naturel. Ils se croient investis d'une mission otement civilisatrice, et nous les écoutons volontiers. Ils veulent

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