Page:NRF 18.djvu/761

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 755

Le noyau de ce Cahier gris, c'est donc une aventure courue par deux enfants, une fuite romanesque hors du « morne aujour- d'hui » et de la vie trop quotidienne, une aventure que n'im- posent ni les contingences comme chez un Pierre Benoît, ni le goût baudelairien dés départs comme chez Mac Orlan, mais qui éclôt d'une crise d'âme et qui n'est à la poursuite ni d'un trésor, ni d'une femme, mais à celle de l'absolu. Les deux enfants sont arrêtés sur la route de Toulon et ramenés chez leurs parents. Le premier épisode finit là.

Mais d'autres épisodes sont amorcés. Le drame intime de la famille du compagnon de Jacques, Daniel, est exposé avec un art des coups de théâtre, un dosage des effets qui obligent à se rappeler que M. Martin du Gard est aussi dramaturge.

Pas de fioritures dans le récit et cependant l'amour du détail. Un style qui se dérobe sans cesse au regard pour laisser à nu le sentiment ou l'événement. De la force, le don de l'émotion. Et ce livre fermé, ce ragoût de l'a suivre qui met l'eau à la bouche.

Une observation cependant qui, si elle portait, serait une terrible critique. Ce début de roman n'est pas daté. Est-on avant, pendant ou après la guerre ? Un roman cyclique de cette espèce ne peut être valable aujourd'hui que s'il a la guerre (j'entends : la « vie privée » pendant ou depuis la guerre) comme fond. Mais en huit volumes, M. Martin du Gard a le loisir de faire vivre ses héros de 1913 à 1922. Q.u'il se reporte à Balzac dont les personnages vivent sous la Restauration, mais dont toujours nous savons ce qu'ils ont fait (ou ce que leurs parents ont fait) entre 1789 et 181 5.

BENJAMIN CRÉMIEUX

��*

  • *

��LOIN DE LA RIFFLETTE, par Jean Galtier Boissière (Grès).

Avant toute autre considération, le livre de Jean Galtier Boissière est un livre courageux, et le fait d'écrire un livre cou- rageux sur ce sujet, rempli de pièges, est d'autant plus remar- quable que cette guerre est terminée et qu'il ne nous reste plus À craindre que la prochaine.

�� �