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75 6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Petit à petit, en éliminant certains ouvrages sur la guerre et en retenant les autres, on arrive à garder de cette aventure des images représentant honnêtement les mille aspects de cette bur- lesque tragédie.

C'est, maintenant que la guerre est lointaine, mais qu'elle nous tient encore sous la puissance des souvenirs qu'il faut lutter contre cette sentimentalité déprimante qui donne à ces souve- nirs une saveur incomparable. Cette saveur, si l'on n'y prend garde, nous fera un jour regretter la guerre.

Pour cette hypothèse, dont il faut éviter la réalisation aux dépens de sa sentimentalité, le livre de Jean Galtier Bois- sière. Loin de la Riffietie, c'est-à-dire Loi>7 du Feu, dans le jargon des soldats de 1914, prend place parmi les grands livres, parmi les livres les plus humains qu'inspira cette situation déses- pérée.

Il y a ici, comme dans le beau poème à la mort, composé par Jean Cocteau, l'envers et l'endroit : l'endroit à la surface où la bataille crépite comme une chevelure en tlammes et l'envers, dans les clapiers où l'on élève les cobayes.

Mais ici et là le burlesque domine et la nature humaine se révèle en s'adaptant au milieu. Tel qui fut un héros au combat devient un poltron au dépôt et tel qui pensait mourir de peur à la lecture des commuYiiqués se révéla sur la ligne avec assez d'orgueil de soi-même pour accomplir les mêmes gestes homi- cides que ses camarades mieux doués pour ces ébats.

Jean Galtier Boissière a pris le ton qu'il était convenable de prendre pour écrire cette pièce qui se jouait au dépôt un peu comme Les 28 jours de Claireffe, mais avec une fin tragique qui n'exclut pas la terrifiante sottise de ce vaudeville à peine trans- posé.

Des comparses que nous avons vus dans toutes les publica- tions humoristiques destinées à faire rire les médiocres, les légendaires figures de la sottise toute-puissante s'animent cette fois sans craindre les responsabilités. Et la pauvre nature humaine, celle qui protège sa peau contre le feu et contre le fer, se livre nue, dépouillée de ses fards et de ses ornements indi- viduels, aux hasards soigneusement corrigés qui retarderont l'inscription du nom au tableau de départ.

Loin de la Riffietie n'est pas un livre amer. Il présente la vie

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