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7)8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

l'unité psychologique, à laquelle tous les actes d'un héros doi- vent être subordonnés, et telle est l'accoutumance à la conven- tion que nous accusons un être vivant de manquer de caractèj-e s'il trahit des inspirations imprévues. « J'imagine, dit encore le critique, que c'est cela qui doit gêner les étrangers devant le Néron de Racine, ou même devant le Julien de Stendhal. Nous ne donnons jamais le vertige de l'âme humaine. »

Dostoïevsky ne me paraît pas être le premier « qui nous ait fait sentir notre insuffisance sur ce point ». De nombreux esprits songeraient à Restif, s'il n'était l'auteur de plus de trois cents ouvrages, pour la plupart introuvables, d'un mérite fort inégal, et d'une lecture parfois rebutante. Toutefois, parmi ceux qui connaissent assez Restif pour s'en former une idée générale, il s'en trouve beaucoup qui sont précisément rebutés, non par son manque de goût presque absolu, ses naïves utopies, son style souvent flasque, ses redites, ses fadeurs écœurantes et son éré- thisme maladif, mais par sa complexité même, qui le leur fait ranger au nombre des fous les plus incohérents. Tel n'est pas Restif, et d'ailleurs, son ambition littéraire, qu'il manifesta fréquemment, fut, comme Rousseau, de nous représenter Véfre intégral. Les premiers réalistes de l'analyse, avec Duranty, se sont réclamés de lui. Sans doute, parmi les diverses classes ou catégories d'hommes, Restif, malgré ses prétentions, n'appar- tient pas à la plus délicate ni à la plus élevée ; mais encore est-il au-dessus de la moyenne, et pouvons-nous le considérer comme le représentant d'individus assez nombreux dans la petite bour- geoisie, et même dans le monde intellectuel. Il n'est pas un az^, une exception.

On doit trouver louable toute tentative de vulgariser l'auteur de Monsieur Nicolas, ouvrage en une quinzaine de volumes, et qui porte en sous-titre : Le Cœur humain dévoilé. Mais il faut, pK3ur ne point tomber dans l'insuffisance des Pages Choisies, nous donner un fragment de mémoires qui forme un tout romanesque et contienne le meilleur de Restif. On était donc prêt à féliciter l'éditeur des Égarements Sentimentaux, qui, à pre- mière vue, reproduisent l'histoire de Madame Parangon et celle de Zéphire, encore que l'on soit prévenu par le titre. Si le bio- graphe de Monsieur Nicolas est un disciple de Rousseau, c'est aussi un complaisant élève de Chorier, le romancier sotadique

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