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112 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

mais qui ne manqua pas, par moments, de vivacité. Une des idées chères à celui de mes adversaires qui, pour être le plus cultivé et le plus aimable, n'en est pas moins le plus vigilant, est la suivante : la plupart des recherches qui caractérisent les écoles modernes virent le jour pour la première fois dans les ateliers des peintres qui illustrèrent jadis le Salon de la Natio- nale. Des œuvres de Cottet, Aman-Jean, Lucien Simon, Besnard, Helleu, qui figuraient à cette exposition devaient, comparées à celles de Derain, Rouault, Segonzac, Dufresne, Moreau, de la Fresnaye, démontrer non pas le peu de talent de ces derniers peintres, mais bien que leurs inventions ne furent que le prolongement de celles de leurs aînés. Il n'était point besoin d'analyser longuement les œuvres en question pour acquérir la preuve que la jeune peinture, qui va de ce que André Salmon appelle « le naturalisme organisé » jusqu'au cubisme intégral, est l'œuvre d'une génération dont les plus âgés ont à peine atteint la quarantaine. La génération précé- dente, qui révolutionna les Salons officiels, n'opéra ce mouve- ment qu'en se permettant des libertés, qui parurent scanda- leuses dans ce milieu. Or, les jeunes peintres que M. J. E. Blanche — peut-être aveuglé par la camaraderie — veut comparer à ses amis, ne scandalisèrent, plus récemment, qu'en adoptant des disciplines. C'est donc pour des motifs nettement opposés que réalistes d'hier et d'aujourd'hui suscitèrent l'éton- nement. Les camarades de M. J. E. Blanche ne libérèrent leur touche de la précision académique que grâce à une interpré- tation incomplète de l'impressionnisme, des évasions duquel ils profitèrent sans en assumer les joyeuses servitudes. Leurs soucis, littéraires et sentimentaux plutôt que techniques, sont aux antipodes à la fois de ceux de Renoir et de ceux de Cézanne, animateurs et guides de la jeunesse.

A côté des molles suggestions picturales d'Aman-Jean et consorts, il était extrêmement intéressant de regarder le Portrait de ma mère par Gervex. Ce tableau, peint d'une touche précise et respectueuse, et dans des rapports de tons simples, ce justes, prouvait surabondamment que l'exercice d'un métier traditionnel peut produire des œuvres fort estimables. La Jeune fille accoudée, de J. E. Blanche, autre toile d'un métier appuyé et modeste montrait également par quels movens eussent pu se

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