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I98 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

rées avec violence. Dans tout le quartier les murs se recouvrirent d'affiches dont les vives couleurs attirèrent nos regards. Nous nous arrêtions pour les lire et arrivions au lycée tout excités par la dispute des partis. La ligue des Français de France prenait une part importante à la lutte. Par des proclamations, des réunions, des conférences, elle multipliait ses attaques contre les juifs. Philippe Robin, pourvu par son oncle, distribuait à qui voulait des insignes et des libelles antisémites. Cette fureur trouva en Silber- mann une victime. Sur les murs, à côté des afiiches, on inscrivit son nom et on crayonna sa caricature. Enfin, au lycée, Montclar organisa contre lui une véritable bande.

C'était une figure singulière que Montclar. La plupart de ses condisciples de S'-Xavier, avec leurs membres grêles, leurs mains pâles et quelque signe distinctif reproduisant sur leur visage comme une pièce d'armoiries — un nez osseux et plat, un front resserré, un épidémie féminin — semblaient appartenir à une espèce caduque. Lui, tranchait par sa constitution normale et sa mine de chef.

D'un chef, il avait également l'âme- Il choisit en classe trois ou quatre garçons, parmi les plus brutaux, les plus épais, les plus serviles, et les excita contre Silbermann. Dans la cour, il allait, à leur tête, vers celui-ci et se tenant à quelques pas, car il feignait de ne pouvoir s'approcher d'un être aussi abject, il se mettait à l'insulter :

— Juif, dis-nous quand tu retourneras à ton ghetto, nous ne voulons plus de toi ici... Juif, pourquoi as-tu les oreilles d'un bon

Silbermann, tout en marquant des mouvements de crainte pareil;', a ceu? d'une bête faible qui se sent traquée, répliquait bravement à chaque mot. Puis, sur un signe de Montclar, on se précipitait sur lui. Il était jeté à terre et roué de coups. Si je tentais d'aller à son secours, j 'étais arrêté et maintenu. De loin, j'assistais à la bataille. J'en- tendais Montclar applaudir un de ses mercenaires et je voyais celui-ci reconnaître par un redoublement de bru-

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