220 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
des chevaux, dangereux entre les mains de brutes, devenir les olus dociles du monde entre les mains de conducteurs doux et patients ? C'est comme de se figurer que les animaux ne sont pas sensibles au confortable. Il faut n'avoir jamais vu un chien se coucher dans un fauteuil et fort bien mettre à profit un des accoudoirs pour poser sa tête. Je me rappelle à ce sujet le chat Oscar, — je lui avais donné ce nom. Je le trouvai, un jour de 19 19, dans la salle des pas perdus de la gare d'Orsay, efflanqué, noir de poussière. Il y avait plusieurs semaines des gens l'avaient laissé là, paraît-il, en partant en voyage, et il vivait dans la gare comme il pouvait, de ce qu'il trouvait, d'ailleurs nullement malmené par le personnel. Je le pris, et ne pouvant l'emporter le jour même chez moi, je le menai chez une amie. Sans le vouloir autrement, on le posa sur un fauteuil. Si vous l'aviez vu alors s'étirer, s'allonger, s'épanouir, soupirer d'aise, ma parole ! au contact moelleux du siège ! Il semblait vraiment exprimer qu'on était mieux que là d'où il venait.
Le seul ennui, avec toute cette ménagerie, ce sont les paquets à porter. Etre critique dramatique est certainement plein d'agré- ments. J'y ajoute souvent l'obligation de courir d'abord porter les provisions de « ces messieurs » comme dit Rouveyre, pour revenir ensuite m'installer au théâtre. Ce sont aussi tous les gens qui me tombent dessus. Je n'ai pas assez des bêtes que je trouve moi-même. Au moins chaque semaine, on vient me demander d'en prendre une. Il faudrait être riche, avoir une propriété à soi. On n'aurait alors que le plaisir, sans les soucis. Je crois bien que j'aurais un âne, alors. J'ai failli souvent en acheter un, dans ces bandes que je vois passer pour les abat- toirs. Le manque de loisir pour m'occuper de lui m'a toujours arrêté. Un âne ? Un âne pour de bon, vous m'entendez bien ? Un âne à quatre jambes !
La Petite Café était la fille de la chatte Café. Une exception : elle était née à la maison. Un jour de l'été dernier, dans le pou- lailler qui ne sert plus à rien depuis que j'occupe la maison, nous avions vu une petite boule tricolore sauter et gambader, se sauvant à la moindre approche. Avec elle, la chatte Café, qui semblait la surveiller et prendre soin d'elle. C'était sa fille, qu'elle nous avait faite là en cachette. Il fallut bien deux bonnes semaines pour l'apprivoiser. Depuis, elle trônait dans la maison
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