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PAUL VALERY, POETE 259

loppé que dans le précédent. Rien de plus curieux que de suivre, tout le long du Cimetière marin par exemple, l'espèce d'effort constant que fait l'idée pour soulever sa dalle et apparaître au lecteur, et l'art souverain avec lequel le poète la maintient dans ses bandelettes et jusqu'au bout larvaire. Elle est, cette idée, d'aspiration tout au moins, extrêmement abstraite et générale ; on la sent d'essence quasi-mathématique; c'est sans doute une pensée sur l'Eternité et sur son contraste avec le Devenir ; mais jusqu'au bout elle refuse la clarté et la vérité auxquelles elle semble vouée pour émettre des effluves strictement poétiques et toute cette série d'images denses et radieuses qui font dans notre esprit comme :

Cent mille soleils de soie.

En décrivant ainsi l'Intelligence sous son aspect pure- ment virtuel, Valéry évite le danger d'ébranler en nous la réflexion, de nous donner à penser et de dissiper par là notre attention sensible, qui est toute celle dont a besoin la poésie. Il conserve à celle-ci son caractère de création pure, de traduction de l'immédiat, d'inexplication. Il se donne le luxe d'être le poète des Idées et de ne pourtant jamais nous caresser qu'avec de l'ineffable :

J'étais présent comme une odeur, Comme l'urSme d'une idée, Dont ne {misse être élucidée L'insidieuse profondeur. l

��Valéry traite l'intelligence comme d'autres autour de lui l'Inconscient ; il y voit avant tout une source qu'il faut regarder bouillonner ; elle ne lui apparaît que comme un cas particulier de cette obscure fomentation dont nous sommes le siège plutôt que les auteurs.

1. Ebauche d'un serpent, p. 66.

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