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260 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Ce n'est pas sans raison que les Dadas l'ont un instant considéré comme un de leurs maîtres, ni que lui-même s'est senti pris d'une si vive curiosité pour leurs efforts.

Valéry est profondément de notre temps et participe de cet « esprit nouveau » qu'André Breton est si anxieux de voir enfin défini, par son respect du hasard, de la chance verbale, mais surtout de la chance intellectuelle. Tout son travail (lui-même ne cache pas combien il peine sur sa page) ne tend qu'à la provoquer. C'est en définitive d'un spasme de son esprit, longuement à l'avance chatouillé, qu'il attend le succès, qu'il attend même simplement la suite de ce qu'il vient de dire.

L'inspiration pour lui n'est pas ce long souffle logique par quoi les anciens poètes se laissaient interminablement enchanter. Sa méditation est explosive. De sa contention il ne sait absolument pas ce qui va naître; il ne veut pas le savoir, pour mieux le dire :

Elle s'écoute qui iremble Et parfois ma lèvre semble Sou frémissement saisir '.

Aux dadaïstes, tenants de la plus rapide sténographie, Valéry s'apparente, d'une manière paradoxale, par sa pa- tience, qui est, en effet, d'abord, elle aussi, un hommage à l'Inconscient. (Et ainsi il nous aide à reconnaître la filiation, à première vue un peu cachée, du dadaïsme à Mallarmé.)

L'attente de ce qui viendra existe chez Valéry comme chez les Dadas : elle est seulement plus longue. Elle s'accompagne peut-être aussi d'une foi moins aveugle dans l'immanquable qualité de ces présents du hasard.

��Et même d'une certaine révolte.

i. Aurore, p. 9.

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