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NOTES 349

relie : une maladie, comme une blessure, procède d'un malé- fice ; l'apparente procréation suppose la réincarnation d'un ancêtre. Un accident qui nous paraîtrait fortuit est tenu pour la preuve qu'un tabou a été violé. L'efficace des puissances mysté- rieuses donne tout leur prix aux rêves, plus véridiques que la veille, tout leur intérêt aux présages, véritables causes et non simples symptômes. La conception d'un ordre fixe fait à ce point défaut, que le phénomène de mauvais augure s'interprète moins comme un signe ou un indice défavorable que comme un « porte malheur » susceptible d'être esquivé, voire converti en principe propice : on va jusqu'à provoquer des rêves, jusqu'à mettre en œuvre des pratiques divinatoires, non seulement pour s'informer sur les intentions de l'ambiance suspecte, mais pour susciter des événements conformes aux désirs humains. En ce monde où rien ne semble accidentel, tout paraît arbi- traire ; le visible se révèle pénétré d'invisible, de sorte qu'on n'imagine point qu'un événement se produise toujours par l'action des mêmes circonstances concrètes. Seule la question du pourquoi, non celle du comment, se pose au sujet de la pro- duction des choses ; car on ne s'intéresse qu'aux causes pre- mières, non. aux causes secondes, et l'on ne soupçonne pas la régularité des conditions causales. On ne conçoit pas davantage le temps et l'espace comme des cadres universels et nécessaires, puisque l'essentiel de la réalité, — les influences occultes, — transcende l'un et l'autre. Et si le milieu dans lequel vit le sau- vage diffère si complètement de ce monde aux lois fixes, s'exer- çant dans des cadres géométriques et arithmétiques, qui est pour nous autres l'objectivité, c'est parce que les peuples infé- rieurs, insoucieux de raisonner, négligeant d'induire, bornent leur réflexion à l'intuition immédiate, obsédée par la hantise des puissances mystiques. Après avoir découvert dans leur caractère non logique le propre des fonctions mentales dans les sociétés inférieures, M. Lévy-Bruhl reconnaît dans les singularités de 1' <r expérience » de ces peuples, l'effet de leur indifférence à la logique.

Nous regrettons de ne pouvoir ici montrer avec quelque détail comment ainsi s'étayent l'un l'autre les deux livres qui forment désormais la base de notre connaissance des primitifs. Des sujets presque entièrement neufs, tels que l'étude dés rêves provoqués,

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