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coups sont nombreux, plus ils le modèlent en profondeur, plus les réactions secondes recouvrent de leurs complexes richesses la réaction originelle et la rendent presque insignifiante. Or, de réactions secondes, Jean-Pierre et Denise sont incapables ; d’où leur médiocrité, — mais instructive. Leur cas nous rappelle que sans cette réverbération dans la conscience les sentiments ne se distinguent en rien des autres phénomènes naturels ; soumis comme eux aux rythmes des saisons, ils revêtent alors ce frappant caractère de périodicité — qui s’accorde si bien ici avec le talent de Robert de Traz — , mais duquel néanmoins, et par delà la sérénité qu’apporte à de certaines heures la contemplation des lois de la nature, se dégage un découragement sui generis ; car, pour un regard véritablement humain, un sentiment demeurera toujours autre chose et plus qu’un objet, — et si déjà sur un objet la poussière désoblige, la poussière qui s’est formée sur des sentiments soulève une tristesse de la plus neutre atrocité.

CHARLES DU BOS

LETTRES ÉTRANGÈRES

LECTURES ALLEMANDES.

Le Fichte et son temps que Xavier Léon publie chez Armand Colin comprendra trois volumes. Le tome I : Etablissement et prédiction de la doctrine de la liberté (1762-1799) laisse déjà devi- ner l’importance d’une étude qui fait honneur à la science fran- çaise. Nulle trace des passions qui en Allemagne ou en France ont déformé l’image de Fichte : le philosophe allemand appa- raît ici pour la première fois sous le visage d’un libérateur inspiré par la Révolution française, d’un idéaliste ouvrant des sources auxquelles l’Allemagne altérée pourrait puiser encore, et autre chose que ce qu’elle en a jusqu’ici tiré.

La thèse d’A. Jolivet : Wilhelm Heinse (Hachette) est parfai- tement objective. Une scrupuleuse étude des sources d’Ardin- ghello permet au lecteur de retrouver les éléments du Sturm nnd Drang, et en particulier de se représenter nettement ce que fut l’individualisme germanique d’alors, sous la double influence de Rousseau, qui ramenait les Allemands à la nature, et de l’Ita- lie qui excitait en eux la sensualité artiste : au total un immora-

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