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CHRONIQUE DRAMATIQUE 463

court les rues. La ressemblance se continue même à l'extérieur, en quelque sorte. La Russie, qui est aujourd'hui le pays de la révolution, est exactement ce qu'était la France de 1793 devant les Alliés. C'est nous qui sommes maintenant les Alliés, voilà tout. N'est-ce pas un beau spectacle ? Le pays qui a fait la révo- lution française faisant la petite bouche devant la révolution russe. Les Français trouvant abominables là-bas les mêmes choses qu'ils glorifient quand elles se sont passées chez eux. Et on voudrait nous empêcher de rire ? Les gens qui se passionnent pour la politique manquent décidément trop du sens du comique.

On ne s'étonnera donc pas que les personnages de Natchalo ressemblent, de leur côté, à nos grands hommes de la révolu- tion française. C'est qu'il n'y a pas trente-six manières de faire une révolution. C'est aussi que les hommes sont partout les mêmes. Changez le cadre, la langue. Vous avez les mêmes discours, sur les mêmes motifs. C'est un art qui varie depuis l'ouvrier beau parleur qui étonne ses camarades jusqu'au ministre qui exalte les foules avec des discours vides mais sonores. Les personnages de Natchalo sont exactement des héros du même genre que les hommes de 89. Pas plus antipa- thiques, pas plus odieux par leur rigueur, leur cruauté, leur étroitesse d'esprit, leur soumission aveugle et fanatique à leurs principes. Mais pas moins non plus. Sortes de gens qui tiennent de l'imbécile par leur mysticisme et de la brute par leur féro- cité. Arcade Dimitrievitch, cet illuminé cruel, véritable Marat russe, immolerait le monde entier à l'idole révolution. Son élève, la jeune et belle Daïcha, est encore mieux. Elle a aimé une fois, ce Français Delannoy mêlé aux milieux révolution- naires. Cet homme lui a révélé, avec l'amour, la vie vraie et humaine, la seule que devrait connaître une femme. Delannov, tout révolutionnaire qu'il est, a le défaut de garder dans ce milieu de mystiques sanguinaires, la faculté de raisonner, de discerner, d'être pitoyable. On le juge dangereux. Il doit être supprimé. Daïcha est la première à réclamer, à imposer sa mort. Avouez que nous avons offert des modèles à ces héros du civisme bien entendu.

Naturellement, tout ce qui précède, ne veut rien dire contre Natchalo. C'est une pièce intéressante, je le répète. Il me

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