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La propriétaire avait justement envoyé Douniâcha faire une course.

— Oh ! ça ne fait absolument rien, dit le Français avec un large sourire. Je vais tout de suite chercher du pain moi-même.

Il posa son cigare acre et puant en une place apparente, mit son chapeau et sortit. Après son départ, maman raconta à la maîtresse de musique comme elle avait passé agréablement son temps chez les Choumikhine et y avait été bien accueillie.

— Lili Choumikhine est ma parente, disait-elle. Feu son mari, le général Choumikhine, était cousin du mien. Elle est. née baronne Kolb...

— Maman, ce n’est pas vrai ! dit Volôdia nerveusement ; pourquoi mentir ?

Il savait parfaitement que maman disait vrai. Dans ce qu’elle disait du général Choumîkine et de sa femme, née baronne Kolbe, il n’y avait pas un mot de faux. Mais il sentait que, malgré tout, elle mentait. Le mensonge se sentait dans sa façon de parler, dans l’expression de son visage, dans son regard, dans tout.

— Vous mentez ! répéta Volôdia, et il donna sur la table un coup de poing si violent que toute la vaisselle trembla et que le thé de maman se répandit. Que parlez-vous de généraux et de baronnes ? Tout est faux !

La maîtresse de musique, confuse, toussa dans son mouchoir, faisant mine d’avoir avalé de travers, et maman se mit à pleurer.

— Où aller ? pensa Volôdia.

Il était déjà allé dans la rue ; aller chez ses camarades, la honte l’en empêchait. Il se rappela de nouveau, sans sujet, les deux fillettes anglaises... Il marcha de long en large dans la salle commune, puis entra dans la chambre d’Augustin Mikhaïlovitch. Il y traînait une forte odeur d’huiles aromatiques et de savon à la glycérine. Sur la table, sur le rebord des fenêtres, et même sur les chaises, se trouvait une multitude