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Elle occupait l’une, qui avait des fenêtres, où elle avait son lit, et où il y avait aux murs deux tableaux dans des cadres dorés ; Volôdia habitait l’autre, contiguë, petite et obscure. Il y avait un canapé sur lequel il dormait, et sauf ce canapé, nul autre meuble. La chambre était encombrée de corbeilles en osier remplies de robes, de cartons à chapeaux, et de toutes sortes de vieilleries que maman gardait, on ne sait pourquoi ; Volôdia faisait ses devoirs dans la chambre de maman ou dans la salle commune, — c’est ainsi qu’on appelait la grande salle où tous les pensionnaires se réunissaient au moment des repas et le soir.

Revenu à la maison, il se coucha sur son canapé et se couvrit d’une couverture pour faire tomber sa fièvre. Les cartons à chapeaux, les corbeilles, les hardes lui rappelèrent qu’il n’avait pas de chambre à lui, pas d’abri où il pût se garder de maman, de ceux qui venaient la voir et des voix que l’on entendait maintenant dans la « salle commune ». Son sac d’écolier, les livres répandus dans tous les coins, lui rappelèrent l’examen auquel il n’était pas allé... Sans raison aucune, il se ressouvint de Menton où il avait vécu avec son père, quand il avait sept ans. Il se ressouvint de Biarritz et de deux fillettes anglaises avec lesquelles il courait sur le sable... Il voulut se rappeler la couleur du ciel et de l’océan, la hauteur des vagues et son humeur d’alors, mais il n’y parvint pas. Les fillettes anglaises passèrent vivantes devant ses yeux. Tout le reste s’emmêla, se brouilla, s’effaça.

« Non, se dit-il, il fait froid ici. »

Il se leva, prit sa capote et entra dans la salle commune.

On y buvait le thé. Autour du samovar se trouvaient trois personnes : maman, une maîtresse de musique, vieille dame à lorgnon d’écaillé, et Augustin Mikhaïlovitch, vieux Français très gros, employé dans une fabrique de parfumerie.

— Je n’ai pas dîné, disait maman ; il faudrait envoyer la femme de chambre prendre du pain.

— Douniâcha ! cria le Français.