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636 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

BASS-BASSINA-BOULOU, par Franz Helkns (Rieder).

D'un côté il y avait des Anglais en tenue kaki cernés par un parti Zoulou. Equipements, cartouches, baïonnettes et fusils européens s'avéraient inutiles dans la mêlée. Les noirs, empa- nachés de plumes de guerre, abattaient et décapitaient les blancs, en riant, tellement cela leur était facile sans doute. De l'autre côté, sous un ciel bien bleu, à la corne d'un bois plein de fraî- cheur, des Français en flottard et la canne à la main admiraient un groupe de fétiches dahoméens deux fois hauts comme eux, rouges, verts et jaunes plantés là avec leurs mamelles en obus, leurs verges horizontales et leur rire sanglant, d'une oreille à l'autre, plutôt idiot que cruel. C'était, il y a bien trente ans, une illustration populaire sur quoi je me souviens avoir passé des heures entières, fasciné par cette barbarie et cette grossièreté. Franz Hellens vient de me rendre toutes neuves ces vieilles sensations enfantines. Sous le fer rouge qui lui grave des yeux et une bouche, son Bass-Bassina-Boulou prend vie tout à coup. Et les sorcelleries, les massacres, la tornade et la famine que cette caricature de bois, quelque part en Afrique équatoriale. préside et contemple en croyant les provoquer ou les arrêter, ne m'effrayent pas trop, pas plus que le carnage zoulou de la vieille image, pas plus que Bass-Bassina Boulou lui-même dont le plus grand effort est de trouver tout cela « bien et néces- saire », puisque tout cela est.

Après tant de curieux livres et surtout cette Mclusine qui sem- blait bien marquer une étape dans son talent, Franz Hellens ne pouvait revenir — brusquement du moins — à l'étude tendue et émouvante des hommes si étroitement compliqués de ce côté-ci du soleil. On n'escalade pas impunément, avec Merlin, la belle cathédrale inconnue. Il en faut redescendre, et comme elle s'élevait en plein désert, c'est en plein désert que l'on remet le pied tout d'abord, avec au plus près une ou deux tribus noires où les femmes font encore l'amour sans s'en douter avant d'être égorgées pour nourrir les mâles quand le ravitaillement fait défaut.

Animer un fétiche nègre pour suivre aux cercles concen- triques de sa cervelle de bois les courts tirets d'idées que l'uni- vers y inscrit était une gymnastique tentante et nouvelle, et

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