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ALAIN-FOURNIER ^53

théories, de petits jugements, de longues phrases qui ne riment à rien. Alors que lentement, longuement, silen- cieusement je devrais chercher en moi des mots brefs et légers qui disent le passé ou la vie r . »

Il avait commencé d'ailleurs, depuis assez longtemps déjà, à les chercher, « ces mots brefs et légers », dont il devait plus tard trouver une si délicieuse et expressive foison. Peu de temps après notre découverte du Symbo- lisme, il s'était mis à écrire des vers. Rien de plus curieux que ces premiers essais d'Alain-Fournier. Je dois avouer à ma honte que je ne sus pas y reconnaître sa voca- tion.

C'est aussi qu'ils révélaient tout autre chose que le poète qu'on était porté naturellement à y chercher. Au- cune image vraiment neuve, aucune transformation vrai- ment chimique du monde par les mots ; les objets n'y devenaient jamais autres et saisissants ; un doux courant les entraînait comme des fleurs intactes, — un courant facile et faible comme la rêverie 2 .

Je recopie ici, à titre d'exemple, non pas le meilleur mais le plus important — je dirai en quoi tout à l'heure — de ces poèmes :

A TRAVERS LES ÉTÉS

(A une jeune fille.) Attendue

A travers les étés qui s'ennuient dans les cours en silence

et qui pleurent d'ennui, Sous le soleil ancien de tues après-midi

i. Lettre du 22 janver 1906.

2. « Les premiers vers que j'ai faits, m'écrivait Fournier lui-même dans une lettre du 22 août 1906, étaient surtout la découverte extasiée de deux ou trois mots auxquels je ne pensais plus et de tout ce que leur son réveillait en moi : « Angélus... aubépine... après-midi .. civière... ou voiture à chien. »

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