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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 71

ami lui écrivait : « J'ai envie de sauter un jour dans ton parquet et d'y faire l'entrée du Garçon ! » Le Garçon, que Chevalier avait contribué à mettre au jour, n'était plus, pour M. le subs- titut, qu'une c.nade. Ainsi va la vie. Et cela est bien. Si tout le monde gardait son génie d'enfance, où prendrait-on les subs- tituts ? Où se recruterait l'Ecole Polytechnique ? La société a besoin de magistrats et de militaires, elle n'a pas besoin des Shakespeare et des Flaubert. Ceux-ci ne passent qu'en contre- bande, et parce qu'ils ont évité la machine à décerveler. Ce n'est pas la trappe aux magistrats qui est la vraie, mais bien la trappe aux poètes.

M. Chassé parle selon une aimable philosophie de substitut, d'officier d'artillerie ou de professeur quand il termine ainsi son étude : « Par suite d'un hasard heureux, j'ai pu vider Ubu Roi de toutes les interprétations symboliques que ses lecteurs y avaient mises. Quel est le véritable auteur de cette œuvrette ? La question en soi est peu importante, et les frères Morin en conviennent avec moi. L'important est de savoir si, mainte- nant que l'outre est vide de tout le vent qui la gonflait, elle pourra, néanmoins, parvenir à rester debout. » Eh oui ! La boule de neige, le bonhomme de neige reste debout au milieu du Landerneau littéraire. MM. Morin et Chassé l'ont plutôt, pour moi, cimenté et consolidé. Le voilà avec son balai (innommable) et sa pipe (le croc ?), non pas qu'il ait été érigé par délibération du conseil municipal et sur la maquette d'un médaillé du Salon, mais tel que l'ont fait les enfants de l'école, les enfants, printemps sacré, aube et lumière inconsciente du génie. « Ah ! père Ange Michel, le beau bonhomme de neige que vous aviez bâti, avec les camarades, sur la place de la Mai- rie, il y a quarante ans ! Quel chef-d'œuvre ! Michel Ange en fabriquait comme ça dans les jardins de Pierre de Médicis. Des gensde Paris qui passaient avaient trouvé le vôtre si étonnantqu'ils l'avaient photographié. Ils parlaient du Balzac de Rodin. Et je sais un livre sur les arts où cette photographie est reproduite entre une statuette de la Vézère et une statue de l'île de Pâques. Il paraît que cela fait mieux comprendre la sculpture, — l'élan vital de la sculpture, comme disent les bergsoniens. — Mon- sieur, faudrait voir à ne pas vous f.... de moi. Je suis aujour- d'hui garde-champêtre. J'ai assez de peine à faire respecter par les

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