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728 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

esthétiques, soit au nom de leur goût personnel. Dans l'un et l'autre cas, ces omissions arbitraires et ces erreurs grossières fournissent à F. Vandérem une riche matière comique dant il a su très bien tirer parti pour l'amusement des lecteurs : à la fin de chacun de ses paragraphes on rit ou on applaudit.

En même temps, dans un autre département de la même revue, j'abordais, à propos des Lettres Anglaises, un sujet voisin de celui que traitait F. Vandérem : l'érudition et l'his- toire littéraire. Je tâchais de bien souligner la différence qu'il y a entre l'Histoire Littéraire, qui est une Science, une branche de la Science Historique, et la Critique Littéraire, qui exige d'autres dons, et comporte une part de création poétique, en sorte que c'est à la Littérature, à l'Art, qu'elle se rattache. Je disais que. pour l'historien de la Littérature, il ne doit pas y avoir de « beaux » livres, mais seulement des livres importants, et que la méthode historique s'opposait à ce qu'on pût écrire l'histoire des événements littéraires contemporains ou très rap- prochés de nous, pour la raison évidente qu'ils ne sont pas encore entrés dans l'Histoire, et que leur importance (qui est faite surtout, ou presque uniquement, de l'influence qu'ils ont eue) n'est pas déterminable. Par conséquent, l'homme qui traite de la littérature contemporaine doit abandonner la méthode historique, la Science, et faire de la Critique, c'est-à-dire de la Littérature. C'était là que ma digression rejoignait l'étude de F. Vandérem sur les manuels d'histoire littéraire.

Eh bien, je vois surtout, en Faguet et en Brunetière, deux hommes qui ont confondu la méthode historique et la critique, la Science et la Littérature. Faguet l'a fait sans préméditation. La classification par genres et par écoles a paru suffisamment méthodique à son esprit qui n'était pas scientifique ; et, d'autre part, comme il était, — il faut le dire, (j'ai suivi ses cours de la Sorbonne autrefois et je dois cet hommage sincère à sa mémoire) — un grand lettré, un homme pourvu d'une vaste culture classique, et qu'il avait assez de goût pour aimer les classiques français qu'il avait longuement pratiqués, il a cru que cela suffisait à faire de lui un critique, comme d'autres se croient poètes, comme lui-même, très secrètement, en cachette et sous son pupitre, se croyait poète. Qu'on ajoute à cette agréable illusion la confiance en soi, l'assurance, et le ton dog-

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