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la porte étroite
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Nous n'habitions pas chez les Bucolin qui, en ville, étaient assez étroitement logés, mais chez une sœur aînée de ma mère dont la maison était plus vaste. Ma tante Plantier, que je n'avais que rarement l'occasion de voir, était veuve depuis longtemps ; à peine connaissais-je ses enfants, beaucoup plus âgés que moi et de nature très différente. La “Maison Plantier”, comme on disait au Hâvre, n'était pas dans la ville même, mais à mi-hauteur de cette colline qui domine la ville et qu'on appelle “la Côte”. Les Bucolin habitaient près du quartier des affaires ; un raidillon menait assez rapidement de l'une à l'autre maison ; je le dégringolais et le regravissais plusieurs fois par jour.

Ce jour-là je déjeûnai chez mon oncle. Peu de temps après le repas il sortit ; je l'accompagnai jusqu'à son bureau, puis remontai à la maison Plantier chercher ma mère. Là j'appris qu'elle était sortie avec ma tante et ne rentrerait que pour dîner. Aussitôt je redescendis en ville, où il était rare que je pusse librement me promener, encore fort tenu par ma mère. Je gagnai le port, qu'un brouillard de mer rendait morne ; j'errai une heure ou deux sur les quais ; je regardai rentrer des barques, cherchant à me dissimuler mon ennui. Brusquement le désir me saisit d'aller surprendre Alissa, que pourtant je venais de quitter... Je traverse la ville en courant, sonne à la porte des Bucolin ; déjà je m'élançais dans l'escalier. La bonne qui m'a ouvert m'arrête :

— Ne montez pas, Monsieur Jérôme ? ne montez pas : Madame a une crise.

Mais je passe outre : — Ce n'est pas ma tante que je viens voir... La chambre d' Alissa est au troisième étage.