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Page:NRF 1909 1.djvu/58

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la nouvelle revue française

Au premier, le salon et la salle à manger ; au second la chambre de ma tante d'où jaillissent des voix ; la porte est ouverte, devant laquelle il faut passer ; un rais de lumière sort de la chambre et coupe le palier et l'escalier ; par crainte d'être vu, j'hésite un instant, me dissimule, et plein de stupeur je vois ceci : Au milieu de la chambre aux rideaux clos, mais où les bougies de deux candélabres répandent une clarté joyeuse, ma tante est couchée sur une chaise longue ; à ses pieds Robert et Juliette ; derrière elle un inconnu jeune homme en brillant uniforme de lieutenant. — La présence de ces deux enfants m'apparaît aujourd'hui monstrueuse ; dans mon innocence d'alors elle me rassura plutôt. — Ils regardent en riant l'inconnu qui répète d'une voix flûtée :

— Bucolin ! Bucolin !... Si j'avais un mouton, sûrement je l'appellerais Bucolin.

Ma tante elle-même rit aux éclats. Je la vois tendre au jeune homme une cigarette qu'il allume et dont elle tire quelques bouffées. La cigarette tombe à terre. Lui s'élance pour la ramasser, feint de se prendre les pieds dans une écharpe, tombe à genoux devant ma tante... A la faveur de ce ridicule jeu de scène, je me glisse sans être vu !


Me voici devant la porte d'Alissa. J'attends un instant. Les rires et les éclats de voix montent de l'étage inférieur ; et peut-être ont-ils couvert le bruit que j'ai fait en frappant, car je n'entends pas de réponse. Je pousse la porte qui cède silencieusement. La chambre est déjà si sombre que je ne distingue pas aussitôt Alissa ; elle est au chevet de son lit, à genoux, tournant le dos à la