Page:NRF 1909 10.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LES "cahiers" de CHARLES PEGUY 27 1

quons de héros, l'héroïsme enclos aux pages de Corneille ou de Pascal n'a rien évaporé de sa vertu. Il ne suffit pas de louer les maîtres ; il faut travailler à leur suite ; sans prétention, sans pré- somption, Péguy se place dans leur lignée. En tant qu'apôtre et moraliste, il se désole, il s'irrite, peu s'en faut qu'il ne se renonce ; mais il se con- sole, il s'épanouit, il se déploie, — comme écrivain.

" On m'a reproché que mon style était voulu. C'est-à-dire, travaillé. Je ne sais pas ce que c'est qu'un style qui n'est pas travaillé, qui n'est pas voulu. Ou plutôt je crois savoir que ce n'est pas un style." Pourtant le style de Péguy paraît, à première vue, tout le contraire de l'art, — surtout de ce qu'en art il admire le plus. On le subit pourtant, il conquiert, il subjugue. Et, l'effet justifiant les moyens, on discerne que leur com- binaison efficace doit plus encore à la réflexion qu'à l'instinct.

Rien de plus effarant que la composition d'un Cahier: Le mouvement total vous emporte, conti- nu, irrésistible, on ne sait pas comment, on ne sait pas où. C'est un flot pressé de pensées, d'images, d'allusions et de citations ; c'est un fleuve que les obstacles accélèrent ; c'est un torrent qui roule pêle-mêle des rocs, des arbres, des moellons arra- chés, des débris de statues. On n'en saurait prévoir le cours: il semblait filer tout droit sur sa pente :

�� �