dérobée le marquis et la marquise de Champdieu, lui chenu et taillé en Hercule, elle petite vieille branlante et ratatinée, couple patriarcal de grands seigneurs authentiques ? Comment ne pas s'émouvoir de l'arrivée sensationnelle des de Chaberton, lesquels s'arrangeaient de sorte à n'être jamais là qu'à l'épître ! Comment ne point chercher à guigner Prosper qui se rappelait à mon souvenir en raclant de la gorge ? Il m'aurait fallu la piété peu commune de Marguerite pour négliger tant de sujets de trouble et partager exclusivement mon attention entre le maître-autel et mon livre de messe. Sans compter qu'à l'autel même, M. le Curé ne dépouillait pas tout à fait à mes yeux, en dépit de son auguste ministère, le personnage humain sous lequel je le connaissais, personnage dont Prosper singeait à la perfection les côtés drôlatiques.
Mais tout cela était peu de chose auprès du grand objet de ma préoccupation : la famille Tourneur. Cette dernière se composait de trois personnes. M. Tourneur était un homme d'environ quarante-cinq ans, portant lorgnons, les pommettes couperosées, le cheveu rare et les moustaches d'un blond fade. Sa femme paraissait plus âgée que lui et grisonnait. À en juger par sa prestance et le dessin de son profil, elle avait dû être fort belle, mais l'embonpoint l'avait envahie et ses traits s'étaient empâtés. Sa fillette lui ressemblait beaucoup ; elle avait une dizaine d'années, et son visage, encadré de boucles châtaines, attirait non seulement par sa joliesse rare, mais par son expression séduisante, puérile à la fois et sérieuse.
Les Tourneur arrivaient à l'Introït et se retiraient à l'Ite missa est. Leurs entrées et leurs sorties étaient si