378 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
n'était point lâcheté, mais mon coeur me rendait pacifiste. Et puis, quelle triste figure de combattants nous ferions, ma pauvre mère qui n'avait jamais fait de mal qu'aux mites, mon père qui ne s'était jamais attaqué qu'aux microbes, et moi donc ! l'éternel vaincu, vis-à-vis de ces Davèzieux si redoutables, lesquels, par dessus le marché, possédaient par devers eux un futur officier, un héros ! Sans compter l'avantage de la position ! Nous étions écrasés d'avance.
Or, Marguerite, ayant surpris les derniers propos de Prosper, ne perdit pas un instant pour les rapporter. Ce cafardage mit le feu aux poudres. Ah ! nous n'oserions pas nous y frotter ! On allait bien voir.
Sinistre fin d'été, pleine d'agitation et de rumeurs menaçantes ! Mon père s'ouvrait à tout venant de ses intentions, consultait de droite et de gauche, quêtait des encouragements et ne se sentait jamais si bien encouragé que par ses contradicteurs. On ne parlait à la maison que servitudes, procès, droit de vue, prescription, titre de propriété. Eût-on voulu parler d'autre chose, qu'il n'y aurait pas eu moyen. L'affaire Landry-Davèzieux appar- tenait au domaine public.
Que devenir en province, si l'on ne s'amuse à prendre les taupinières pour des montagnes ? Nos bonnes gens de Saint-Clair avaient trouvé de quoi se passionner jusqu'à la prochaine occasion. L'on n'a pas tous les jours l'au- baine d'une " affaire Tourneur ". Et la situation qui en soi était des plus simples devint en peu de temps effroya- blement compliquée.
Que mon père, s'estimant incommodé, plantât pour se mettre à l'abri, rien de plus légitime ! Que, blessé par
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