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Page:NRF 1909 11.djvu/46

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382 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

prenant congé de lui : " Vous savez, votre bahut. . . quand vous voudrez... Je ne retire pas ma proposition...", mon père avait répondu gaîment (autant du moins qu'il pou- vait être gai) :

— Vous ferez tant que je finirai par croire à sa valeur. Puis, l'autre parti, il demanda à maman :

— Verrais-tu un inconvénient à ce que je lui en fisse cadeau ?

En dépit de l'air dégagé qu'il se donnait, il semblait un peu gêné. Il craignait que sa femme ne sourît. Mais elle lui épargna le trait qu'il eût bien mérité. Elle dit, du ton le plus neutre du monde :

— Un bon buffet de bois blanc le remplacera avanta- geusement. ..

— Tu comprends que pour ce qui est de le vendre... En admettant qu'il ait quelque prix, il a surtout celui qu'on y attache. Nous ne serons pas privés, et Chaberton, qui s'y connaît, sera aux anges...

Il s'expliquait comme on s'excuse. Maman l'inter- rompit :

— Mais c'est tout naturel...

Où était le temps que mon père se moquait des ridi- cules de M. de Chaberton ? On n'est pas caressé, approuvé du matin au soir par les gens, sans concevoir à la longue de l'indulgence à leur égard. M. de Chaberton se montrait le plus chaud des amis. Le bruit des louanges qu'il faisait de nous nous revenait de toutes parts aux oreilles. Encore que l'exagération de ces louanges irritât parfois la modestie de ceux qui en étaient l'objet, il n'y avait tout de même pas moyen de lui en savoir mauvais gré. Il faut bien prendre les gens comme ils sont.

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