UNE BELLE VUE 38 I
manière de voir. Maintenant il avait pris position, et elle se fût gardée de le désapprouver publiquement, même par la moindre réticence. C'était une épouse à l'ancienne mode, soumise à son maître et constante jusqu'à la mort.
On devine quels contre-coups avaient en moi les con- versations que j'entendais et celles aussi qu'il ne m'était pas donné d'entendre, Marguerite apportant un zèle féroce à me tenir au courant de tout ce qui pouvait accabler les parents de Prosper. Encore que ce dernier parût se désin- téresser des événements et me demeurât fidèle, je ne savais pas comme lui prendre mon plaisir au jour le jour. Le manque de sécurité me gâtait les meilleurs moments, et si parfois je m'échauffais dans mes jeux, c'était avec cette sombre ardeur qu'apportent à jouir de la vie ceux qui savent leurs jours comptés.
L'étrange, et je n'en revenais pas, c'est que dans le temps même où du haut en bas de la colline, on prenait position les uns contre les autres, les relations n'étaient pas sensiblement modifiées. Le dimanche, à la sortie de l'église, salutations, sourires, salamalecs allaient bon train. A les avoir, la veille, écoutés, tel et tel eussent dû, en bonne logique, s'entre-dévorer ou pour le moins se tourner le dos. Que non pas ! Ils se renvoyaient, la bouche en cœur, des compliments. M. de Chaberton, mon père lui- même ! serraient la main à M. Davèzieux. Et scandalisé, j'apprenais qu'avec de la franchise, il n'y aurait pas de société possible.
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M. de Chaberton reçut la récompense de son zèle pour notre cause. Un jour qu'il avait dit à mon père, en
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