39^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
A propos de collision de voitures, M. Servonnet plaça, tout émoustillé, le récit d'un accident, survenu l'année de la guerre et dans lequel deux magistrats de sa connaissance avaient péri. Il achevait, que la porte du salon s'ouvrit pour laisser passage aux Davèzieux.
Oui, eux-mêmes, front haut, sourire aux lèvres, sûrs de leur fait. Ils nous devaient une visite, ils la rendaient, tout comme s'ils eussent ignoré que depuis plus d'un mois notre démêlé avec eux était la fable générale. On eut beau faire bonne contenance, pareil aplomb jetait un froid, et de pénibles silences ponctuèrent les banalités courantes.
Soudain, M. Davèzieux apostropha mon père :
— Eh ! dites donc, Landry ! Il me semble que notre ami Tourneur se met bien !
Ça y était ! Eux aussi n'étaient venus que pour en parler.
Un tic nerveux tirailla le visage creusé de mon père. Et celui-ci indiqua par un haussement d'épaules et un jeu du bras que M. Tourneur pouvait " se mettre " comme il l'entendait, et que la chose ne le regardait pas.
M. de Chaberton, lui, saisit la balle au bond et revint avec enthousiasme sur la beauté du geste de M. de Champdieu.
— Peuh ! de l'épate ! fit M. Davèzieux.
Cette réflexion, dans laquelle entrait tout son mépris pour des aristocrates qui ne le recevaient pas, fut le point de départ d'une discussion aussi vive que confuse. Ces messieurs, l'un fort échauffé, l'autre narquois, se chamail- lèrent par-dessus la tête de leur hôte. M. de Chaberton exprima son horreur des préjugés bourgeois et soutint que
�� �