JOURNAL SANS DATES 4O9
sa thèse tout ce que nous aimions déjà dans " Aurore " ; entre son livre et ceux de Nietzsche, Lasserre a bien senti la parenté. Que va-t-il inventer contre ce livre, portrait d'un fils de pasteur par un juif ? Il parlera de la banqueroute du système, verra dans la fin de Nietzsche une agonie, non un triomphe, dans Nietzsche même non un vainqueur mais un vaincu. Eh ! parbleu, n'est-ce pas là précisément ce que dit Daniel Halévy ! UEcce Homo ne doit-il pas à cette détresse intime l'accent affreusement strident de sa joie !
"... Nietzsche vit dans P effort et sans foi. Il vit pourtant et réussit à chanter^ dans cette extrémité cruelle^ ses hymnes dionysiaques. " "Je ne suis pas un sainty écrit-il^ mais un satyre. . . " ...Ce nest pas vrai : Nietzsche n est pas un satyre^ c est un saint., un saint blessé qui aspire à mourir. II est reconnaissant à la vie^ dit-il jc est faux ; son âme est toute amére ; il ment., mais le mensonge est quelquefois une victoire^ la seule qui soit laissée à F homme . . . Nietzsche ne triomphe pas: Ecce Homo ; // est èriséy mais il ne F avoue pas. . . etc. "
Un saint ! — M. Lasserre s'insurge contre ce mot. Si je l'entends, ou plutôt s'il s'entend lui-même, il nous veut bailler la notion de sainteté, comme incompatible avec l'inutilité pratique : " Quelle sainteté dans une vie quon peut., quon doit prendre en pitié^ mais dont Vimi- tation serait à déconseiller avec la dernière énergie^ non seulement au commun des mortels^ mais surtout à un jeune hommey doué comme Nietzsche et quon ne voudrait pas voir se consumer inutilement et avorter ? " — Ici M. Lasserre prête à sourire : est-il bien utile de " déconseiller " une conduite de vie qui ne va pas sans héroïsme et mène
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