NOTES 417
lumières une volonté tranquille que rien ne fléchissait. Il allait par les rues, effacé, lointain, les poches de son manteau étaient toujours déformées et gonflées par des rouleaux de musique. Je n'ai jamais approché un homme aussi attachant: il exigeait la sympathie.
Le génie de la Musique l'a possédé. Il n'a jamais pensé qu'à elle, pas à la sienne — à celle des autres. Je crois qu'il n'y a pas parmi nos contemporains un homme qui ait pratiqué l'humilité avec une aussi douce insouciance. Il était humble comme d'autres sont beaux.
Il avait l'amour du classique, du nombre, du style, de la clarté, un incessant besoin de lumière et de justesse : c'est le plus admirable intuitif que j'aie connu.
Il vivait dans ses amis comme en lui-même : quand il était parmi eux, il pensait tout haut.
Personne n'a connu mieux que lui la méchanceté, les con- tradictions de la vie : il feignait de ne pas les saisir et passait par dessus avec une ténacité distraite, discrète, polie..,
La vie de Bordes fut une des plus nobles et les plus fleuries de ce temps. Elle a quelque chose de légendaire — c'est un jaillissement perpétuel de poésie.
On peut la comparer à la vie d'un de ces humbles moines d'autrefois, que l'on voit représentés sur les vitraux d'église, de ces moines, bâtisseurs de cathédrales qui devaient être souriants, timides, effacés, pieusement entêtés, se plaisaient à voir passer des processions, dans la paix d'un beau dimanche, à chanter aux vêpres, parlaient aux oiseaux et à Notre-Dame, et dont on ne sait plus le nom...
Cet être miraculeux est mort. Nous ne le verrons plus. Je ne puis songer à cela...
La dernière fois que je l'ai vu, il y a un mois, nous fûmes ensemble voir les étangs. Il voulait me faire connaître l'admi- rable cathédrale de MaguUonne, la cathédrale des étangs et des tombeaux. C'était un jour gris d'octobre, les mouettes parcouraient le ciel, les roseaux de la solitude frémissaient sous le vent. Les pauvres pêcheurs traînaient des filets à travers
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