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DU VERS FRANÇAIS 435

deux âmes vibrent ensemble, la réflexion peut découvrir les conditions de leur accord ; et cet accord fait-il défaut, on peut bien parler encore de poésie peut-être, non plus d'art. Quelques partisans du vers libre ignorent délibérément que le seul mot de vers (versus) implique un certain retour régulier. Chaque vers soulève une attente, que les vers suivants doivent contenter. Cette attente, que le vers classique résout par une répétition monotone, le vers libre a maintes façons de la satisfaire, et plus de façons de la décevoir. Décep- tion intolérable, sauf les cas où, renforçant l'ex- pression aux dépens de la symétrie, elle devient elle-même un procédé de l'art. Peut-être existe-t-il autant de " normes " que de poètes différents ; mais toutes n'ont pas même droit à l'approbation, au succès, si toutes n'assurent point notre constant plaisir. Entre nos poètes, ceux-là seulement sont qualifiés pour dire comment les vers libres doivent être écrits^ qui ne laissent point le lecteur douter comment ces mêmes vers doivent être lus. '

1 Je songe surtout ici au traitement des syllabes muettes. La valeur réelle de ces syllabes est attestée, nous dit Ghéon, par les expériences de l'abbé Rousselot. Mais comme elle est méconnue dans le langage vulgaire, j'y vois une conquête de la culture, une ressource de l'art, que le soin des artistes peut seul préserver.

Dix pages avant l'article d'Oméga, dans la Phalange, un bon poème de Paul Castiaux, cité par M. Jean Royère, nous présente les mots suivants :

Fluide et douce caresse de cendre bleue. Cette suite de sons mélodieux est-elle un vers ? Assurément. Ou

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