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436 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Ne croyez point que par là je veuille con- damner tous les autres ; il en est parmi eux que j'aime autant que personne peut les aimer. C'est qu'un poème ne cesse pas d'émouvoir, sitôt qu'il cesse d'être un chant. Tantôt un heureux choix d'images et de mots occupe les intervalles de la musique ; tantôt le rythme des idées et des sentiments nous entraîne, sans être soutenu par un rythme sonore. Seulement, de telles beautés apai- sent imparfaitement notre soif de lyrisme ; elles laissent après elles un vague regret. Rarement un regret m'inquiète, quand j'ai lu des vers de Vielé- Griffin ; les indécisions du langage s'effacent pour moi sous le charme de ces rythmes spontanés, qui s'ajustent si bien aux mouvements des choses, comme aux mouvements du cœur. Nulle part on ne verra mieux ce que produit l'instinct, affranchi des

plutôt — voilà ce qui m'inquiète ! — elle donne plusieurs vers, à mon choix, selon la façon de la déclamer. Dois-je prononcer les finales des deux mots douce et caresse ? en élider une seule? ou bien toutes les deux ? Si je les ai supprimées d'abord, c'est que je rame- nais à mon insu le régulier décasyllabe du Roland ou de Marot. Si je me décide à les maintenir, c'est qu'un vers de douze syllabes s'accorde mieux avec des alexandrins réguliers, qui précèdent ou suivent d'assez près. Mieux vaudrait que la coutume, sinon la règle, du vers libre, m'imposât d'avance un parti. Dans la même pièce, cette ligne de prose :

Le spleen inexorable de leur nudité,

de quelques exemples qu'elle s'autorise, ne saurait passer pour un vers, à moins qu'une déclamation artificielle ne la mue en un fort médiocre alexandrin. Voilà bien de ces licences, de ces fausses hardiesses, dont justement le vers libre devrait nous débarrasser

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