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480 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

souffla mot ni de la plantation, ni des Davézieux. Il ne cessa de vanter au superlatif la noblesse, la fortune, la distinction, les chevaux, le luxe domestique de certain baron de Choulans dont il venait de s'enticher. On sen- tait que les affaires de petites gens comme nous ne l'intéressaient aucunement et qu'il ne se souvenait pas de s'y être intéressé jamais. Incapable de placer son enthousiasme sur plusieurs têtes à la fois, il ne ressemblait plus du tout à l'homme que nous avions précédemment connu. C'était une métamorphose à se demander si l'on avait rêvé. Comme il se montrait cependant le plus naturel du monde, sans froideur ni gêne aucunes, il n'avait apparemment pas conscience de son changement. Mme de Chaberton, elle, restait immuable; ainsi que l'at- testaient son port de tête et sa broche, elle était comtesse et rien autre, une fois pour toutes.

Mon père, dans le caractère duquel n'entraient ni complication ni incohérence, éprouva surtout de la stupeur à constater que la grande amitié de M. de Chaberton, à laquelle il s'était laissé prendre, n'avait été, comme il l'avait d'abord qualifiée lui-même, qu'une lubie. Maman, ne s'étant fait aucune illusion, se contenta de sourire, plutôt amusée. Mais Marguerite fut mordue par la jalousie : Yvonne et Gilberte lui avaient louange avec trop de chaleur Marguerite de Choulans, leur nouvelle compagne au Sacré-Cœur. Ces demoiselles avaient de qui tenir ; les titres de noblesse agissaient sur leurs inclinations.

Et l'année scolaire, de laquelle je n'appelais point

le terme avec la hâte de mes condisciples, s'acheva. Le soir même des Prix, nous nous transportâmes à Longval. J'eusse préféré une retenue de vacances.

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