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UNE BELLE VUE 48 I

Le lendemain, j'errais, déjà désœuvré, autour de la maison. Une voix retentissante et joviale m'interpella :

— Honneur ! monsieur Marcel ! Eh bien ! et ces chères études ? Inutile de vous demander si votre front s'est orné de nombreuses couronnes. Et vos excellents parents ? Et notre jeune demoiselle ? Leur santé se maintient toujours ? Allons ! tant mieux ! tant mieux !

Et monsieur le curé de St-Clair, qui, bréviaire sous le bras, canne ferrée à la main, accourait sans perdre un instant " rendre ses devoirs à ses nouveaux paroissiens, me tapota le crâne en ajoutant :

— J'imagine que nous attendons le douze avec impa- tience. Un beau jour pour la jeunesse ! Gaudeamus ! Gaudeamus !

Paroles mystérieuses qui me laissèrent bouche bée, mais dont je ne devais pas tarder à recevoir l'explication.

Sur sa demande, je conduisis M. le Curé auprès de mon père. Celui-ci, qui lisait son journal au billard, se dérida à la vue du visiteur. L'excellent ecclésiastique dégageait en effet de tout son être un je ne sais quoi qui portait à la gaîté. Sa corpulence courtaude, sa face ronde et plissée, bleuie par le rasoir, dans laquelle yeux, nez, bouche étaient d'un poupard, rappelaient le physique de ces acteurs de qui la seule apparition suffit à mettre en joie le public. Ses manières, son langage, formaient le mélange le plus drôle de rusticité, de solennité et d'onction. On le respectait, car ce simple d'esprit était un saint, mais il amusait les moins moqueurs.

M. le curé avait deux grandes passions: ses pauvres et son église. Pour secourir les uns, embellir l'autre, il se fût mis sur la paille. Et, comme sa paroisse anticléricale ne

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