Page:NRF 1909 12.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

UNE BELLE VUE 483

funestes dissensions entre familles chrétiennes ! Que ne puis-je, ministre de paix, offrir ma médiation...

— N'en parlons plus, une fois pour toutes, Monsieur le curé... Vous n'allez pas encore vous mêler de cette affaire- là !... Je vous l'ai dit, jadis, en d'autres circonstances: voa intentions sont louables, mais vous n'entendez rien aux choses de ce monde.

La moutarde lui montait au nez. L'autre repartit avec un honnête sourire :

— Confiteor... Je ne suis, monsieur Landry, qu'un homme de bonne volonté.

Oui, de bonne volonté, mais en même temps de peu d'esprit ; comme tous les gaffeurs, non seulement il ne sentait pas ses gaffes, mais les aggravait par son insistance. Il voulut revenir à ses moutons, c'est-à-dire à la " matinée " dont il nous avait apporté la première nouvelle. Et mon père, exaspéré, l'invita tout net à changer de sujet.

Le bonhomme, un peu penaud, fut tiré d'embarras par l'arrivée de M. Servonnet. Celui-ci, sémillant et toujours aussi vert, n'attendait point qu'on le visitât d'abord, au bénéfice de l'âge, car, ainsi qu'il le déclara, partout où il y avait une dame c'était à lui célibataire de faire le premier pas. Maman, qui survenait au même instant, fut prise entre le double assaut de ses galanteries surannées et des pompeuses formules de M. le curé. Puis ce dernier, sur un retentissant: "A l'avantage ! messieurs et dames ! ", se retira à reculons en saluant de la tête et du chapeau.

— Eh bien ! Monsieur Servonnet, demanda aussitôt mon père avec une aigreur emphatique, vous êtes, je sup- pose, de la matinée Chaberton ?

— J'aurai en effet le plaisir de vous y retrouver.

�� �