Page:NRF 1909 2.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132


À L’AMOUR ET À L’AMITIÉ.


Des matelots lavent le pont. Je me suis levé avant le jour pour ne pas penser à mon amie. Je m’enveloppe de ses couvertures et je m’étends sur son fauteuil. La lumière de la lune baisse à mourir dans son globe dépoli… La nuit où mon amie me prit la main va s’achever.

Amitié, marraine du printemps, déesse des traînes, et des mains qui se raccordent au cœur des manchons, que ne suis-je l’homme le plus féroce des continents, et réputé pour tel. Hier, dans la salle à manger, au moment de massacrer tous les passagers et son mari, devinant qu’elle ne le souhaitait pas, j’aurais achevé mon potage en silence.

Amour, que ne suis-je le monarque le plus puissant ! Mon chambellan serait sourd-muet ; je n’en dirais jamais un mot ; elle ignorerait tout, toujours.

Amitié, Amour, je vous prie ! C’est moi qui vous parle et non pas l’officier de quart. Je vais, pour éviter toute méprise, vous mettre au courant. Deux jours avant notre départ, j’étais assis près d’elle, sous la vérandah de son cottage. Les granges, les greniers, les parcs se fermaient ou s’ordonnaient pour le sommeil.