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LA PORTE ÉTROITE
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Je descendis chez ma tante Plantier. Elle n’était pas à la maison quand j’arrivai. Mais à peine avais-je eu le temps de réinstaller dans ma chambre, qu’un domestique vint m’avertir qu’elle m’attendait dans le salon.

Elle ne se fut pas plus tôt informée de ma santé, de mon installation, de mes études, que, se laissant aller sans plus de précautions à la curiosité de son cœur :

— Tu ne m’as pas encore dit, mon enfant, si tu avais été content de ton séjour à Fongueusemare ? As-tu pu avancer un peu tes affaires ?

Il fallait endurer la maladroite bonhomie de ma tante ; mais, pour pénible qu’il me fut d’entendre traiter si sommairement des sentiments que les mots les plus purs et les plus doux me semblaient brutaliser encore, cela était dit sur un ton si simple et si cordial qu’il eût été stupide de s’en fâcher. Néanmoins je me rebiffai d’abord quelque peu :

— Ne m’avez-vous pas dit au printemps que vous considériez comme prématurées des fiançailles…

— Oui, je sais bien ; on dit cela d’abord — repartitelle en s’emparant d’une de mes mains qu’elle pressa pathétiquement dans les siennes. — Et puis, à cause de tes études, de ton service militaire, vous ne pouvez pas vous marier avant nombre d’années, je sais bien. D’ailleurs, moi, personnellement, je n’approuve pas beaucoup les longues fiançailles ; cela fatigue les jeunes filles… Mais c’est quelquefois bien touchant… Au reste il n’est pas nécessaire de rendre les fiançailles officielles… seulement cela permet de faire comprendre — oh ! discrètement — qu’il n’est plus nécessaire de chercher pour elles ; et puis cela autorise votre correspondance, vos rapports ; et