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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

enfin, si quelque autre parti se présentait de lui-même — et cela pourrait bien arriver — insinua-t-elle avec un sourire affiné — cela permet de répondre, délicatement,

que non ; que ce n’est pas la peine. Tu sais qu’on est

venu demander la main de Juliette ! Elle a été très remarquée cet hiver. Elle est encore un peu jeune ; et c’est aussi ce qu’elle a répondu ; mais le jeune homme propose d’attendre. Ce n’est plus précisément un jeune homme… bref, c’est un excellent parti ; quelqu’un de très sûr ; du reste tu le verras demain ; il doit venir à mon arbre de Noël. Tu me diras ton impression.

— Je crains, ma tante, qu’il n’en soit pour ses frais et que Juliette n’ait quelqu’un d’autre en tête, dis-je en faisant un grand effort pour ne pas nommer Abel aussitôt.

— Hm ! fît ma tante interrogativement, avec une moue sceptique et portant sa tête de côté. — Tu m’étonnes ! Pourquoi ne m’en aurait-elle rien dit ?

Je me mordis les lèvres pour ne pas parler davantage.

— Bah ! nous le verrons bien… Elle est un peu souffrante, Juliette, ces derniers temps, reprit-elle… D’ailleurs ce n’est pas d’elle qu’il s’agit à présent… Ah ! Alissa est bien aimable aussi… Enfin, oui ou non, lui as-tu fait ta déclaration ?

Bien que regimbant de tout mon cœur contre ce mot : déclaration, qui me semblait si improprement brutal, — pris de front par la question et mal capable de mentir, je répondis confusément :

— Oui… — et sentis mon visage s’embraser.

— Et qu’a-t-elle dit ?

Je baissai la tête ; j’aurais voulu ne pas répondre, et plus confusément encore et comme malgré moi :