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LA PORTE ÉTROITE
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l’échancrure de son corsage clair, une ancienne petite croix de saphirs que je lui avais donnée en souvenir de ma mère, mais que je ne lui avais pas encore vu mettre. Ses traits étaient tirés et l’expression douloureuse de son visage me fit mal.

— Pourquoi viens-tu si tard ? me dit-elle d’une voix oppressée et rapide. J’aurais voulu te parler.

— Je me suis perdu sur la falaise… Mais tu es souffrante… Oh ! Alissa qu’est-ce qu’il y a ?

Elle resta un instant devant moi comme interdite et les lèvres tremblantes ; une telle angoisse m’étreignait que je n’osais l’interroger ; elle posa sa main sur mon cou comme pour attirer mon visage. Je voyais qu’elle voulait parler ; mais à ce moment des invités entrèrent ; sa main découragée retomba…

— Il n’est plus temps, murmura-t-elle. Puis, voyant mes yeux s’emplir de larmes, et, comme si cette dérisoire explication eût pu suffire à me calmer — répondant à l’interrogation de mon regard :

— Non… rassure-toi : simplement j’ai mal à la tête ; ces enfants font un tel vacarme… j’ai dû me réfugier ici… Il est temps que je retourne auprès d’eux maintenant.

Elle me quitta brusquement. Du monde entra qui me sépara d’elle. Je pensais la rejoindre dans le salon ; je l’aperçus à l’autre extrémité de la pièce, entourée d’une bande d’enfants dont elle organisait les jeux. Entre elle et moi je reconnaissais diverses personnes auprès de qui je n’aurais pu m’aventurer sans risquer d’être retenu ; politesses, conversations, je ne m’en sentais pas capable ; peut-être qu’en me glissant le long du mur… J’essayai.

Comme j’allais passer devant la grande porte vitrée du