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LA PORTE ÉTROITE
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L’épais brouillard d’hiver m’enveloppait, et ma lampe d’étude, et toute la ferveur de mon amour et de ma foi écartaient mal, hélas ! la nuit et le froid de mon cœur… Du temps passa.

Puis un matin de printemps subit, une lettre d’Alissa à ma tante, que ma tante absente du Havre à ce moment me communiqua, où je copie ce qui peut éclairer cette histoire.


… "Admire ma docilité… Ainsi que tu m’y engageais j’ai reçu M. Teissière ; j’ai causé longuement avec lui. Je reconnais qu’il s’est montré parfait et j’en viens presque à croire, je l’avoue, que ce mariage pourra n’être pas si malheureux que je le craignais d’abord. Certainement Juliette ne l’aime pas ; mais lui me paraît de semaine en semaine moins indigne d’être aimé. Il parle de la situation avec clairvoyance et ne se méprend pas au caractère de ma sœur ; mais il a grande confiance dans l’efficacité de son amour à lui, et se flatte qu’il n’y ait rien que sa constance ne pourra vaincre. C’est te dire qu’il est fort épris.

En effet, je suis extrêmement touchée de voir Jérôme s’occuper ainsi de mon frère. Je pense qu’il ne fait cela que par devoir, car le caractère de Robert a peu de rapports avec le sien — et peut-être un peu pour me plaire — mais sans doute il a déjà pu reconnaître que plus le devoir qu’on assume est ardu, plus il éduque l’âme et l’élève. Voilà des réflexions bien sublimes ! Ne souris pas trop de ta grande nièce, car ce sont ces pensées qui me soutiennent et qui m’aident à tâcher d’envisager le mariage de Juliette comme un bien.

Que ton affectueuse sollicitude m’est douce, ma chère