LA CULTURE DU SOUVENIR I27
morales. L'influence de son époque, le désir d'échapper aux influences et au contrôle, le besoin de n'exprimer que des émotions personnelles et inédites \ la part de hasard aussi qui entre dans toutes les vocations et toutes les destinées, ont été analysés par ses critiques et ses biographes, et apparaissent pleinement dans sa correspon- dance. Mais une raison plus profonde de cet amour pour l'Orient y apparaît aussi :
"J'ai besoin de calme, de solitude, écrit-il en 1844. " J'aime peu ce qui court, ce qui coule ou ce qui vole ; " toute chose immobile, toute eau stagnante, tout oiseau " planant ou perché me cause une indéfinissable émotion. " Je rendrai peut-être un jour cet universel sentiment de " repos. " 2
Clarté, silence, immobilité, permanence, ne sont-ce pas là les vrais biens pour une âme contemplative et détachée de l'action ? Le " pacifique horizon du désert " convient à celui qui veut, avant tout, rêver et se souvenir, autant qu'à celui qui veut peindre " le pays céleste du bleu. " Les conditions simplifiées de la vie lui enseignent à la fois la vanité des intérêts factices, qui nous détournent de notre âme, et le respect des sentiments essentiels, précieux à son coeur dépaysé. Et " les regrets, en s'émous- sant, prennent une douceur nouvelle ; et l'ombre des " temps écoulés, qui s'allonge dans les souvenirs, les " embellit encore. " ^
Ce développement d'une mémoire attentive et d'une
' " J'arrive à ne plus comprendre comment j'ai pu écrire ou peindre quelque chose qui ne m'appartient pas entièrement. " {Lettres de Jeunesse p. 77.)
^ Lettres de Jeunesse p. 122 (1844).
' Lettres de Jennesse p. 155 (1845).
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