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CAUET 141

mollets, qu'il était entraîné en avant, la face contre terre. Gerfaut fut secoué d'un rire. Il dit : " Recommence! " Le maître tint cette fois son doigt levé, comme un saltim- banque qui dresse un chien savant et lui tend le morceau de sucre, et il disait :

— Plus bas... allons... Plus bas.

De nouveau Chtiot Jules chancela, et la voix de Gerfaut éclata furieuse.

— Tu le fais exprès. Tu n'es pas plus idiot que moi. Tu la connais, paysan. Tout ça, c'est pour te faire réformer. Je te dresserai.

Il avait remarqué chez certains gradés de la pitié, de l'indulgence pour l'idiot. Ils riaient de lui sans le punir et ne lui infligeaient que des corvées. Il s'attacha à lui détruire cet avantage. Il criait partout qu'il fallait se défier de Cauët, qu'il jouait un rôle, contrefaisait le malingre et l'idiot pour se faire réformer. La chose était grave.

— Attention, cette fois! — lui dit-il. — Prends garde 1 Et il brandit, au-dessus de sa tête, son poing comme

une massue.

Cauët fatigué s'accroupit à peine. Il roula sur le côté, et comme il se relevait à tâtons, la main de Gerfaut retentit sur sa joue. Le soufflet fut si violent qu'il en demeura tout étourdi. Il ferma les yeux et les rouvrit pleins de larmes. Un sourire dangereux, une face haineuse le traquait. Il se recula contre le mur. Une angoisse le prit comme un paquet d'eau, comme une vague massive qui vous roule et vous broie, et le ciel de goudron parut lentement s'abaisser sur sa tête, et l'horizon de granit lentement, sûrement, s'avancer sur lui.

Ce vent d'orage et cette nuit, surgis sur la face placide

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