Page:NRF 1909 8.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

146 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Les yeux riaient derrière les visières des képis, et dans le cercle, les coudes se cherchaient. Quand il eut vidé la tasse :

— Tu ne bois pas? — dit-il à Cauët. — C'est moi qui t'offre, et c'est de bon coeur. Bois donc, je n'aime pas qu'on se fasse prier.

Mais Chtiot Jules sentit peser sur lui leur nombre et leur attente soupçonneuse, et s'il n'avançait pas la main, ce n'était pas par manque de confiance, mais par timidité.

— Bois ! — insista Gerfaut. — A la santé de ton vieux ! Et il porta la tasse vide contre la tasse pleine.

L'œil du candide s'ouvrit grand et large, comme la porte d'une maison anonyme, qui invite au repos, sans souci de leurs tares, les passants de toutes les routes ; son bras se déplia, et sa main s'ouvrit grande aussi pour accepter.

Rapidement, Gerfaut saisit la tasse pleine, la lui offrit, puis l'éleva très haut à la façon de ceux qui portent un toast dans les banquets et, avec un rire qui grinçait comme une scie sur la pierre, il la renversa.

��CHAPITRE IV

��I

��Cette tasse renversée fut pour Chtiot Jules un mauvais présage, et le midi de ce jour fatal, le vingt-cinquième du néfaste mois de novembre, devait précipiter sa destinée. Insensiblement la poix et le bitume avaient fondu dans une poussière de feu. Le ciel ardent et sombre frissonnait.

�� �