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CAUET 147

comme, si loin, derrière la masse des ténèbres, au fond de forges haletantes, des marteaux incandescents s'étaient abattus dans des brasiers.

A midi, une sourde convulsion déchira l'épaisseur des brouillards. De la longue gestation de ces eaux pourries, sortit un soleil lugubre, sans noyau et sans rayon, pareil à une poche de sang, à un œil coagulé. Et il s'annonçait aussi comme le résultat de l'activité des forges, un boulet qui serait venu, rouge encore et brûlant, rouler du foyer sur la marge du ciel. En dessous, la terre s'étendait glacée. La caserne blafarde avait revomi ses soldats sur le plateau. Par petits tas, par petits cercles, comme le peuple qui coasse autour du soliveau, ils stagnaient à quelques pas des murs, dans leur humidité, sur la terre froide.

C'était l'heure de la théorie. Au centre de la quatrième section, à laquelle appartenait Chtiot Jules, le sergent Voiriou pérorait. Sa face vineuse, au ras de ses épaules, s'écaillait comme un broc. Sa voix tombait courte et rauque dans une odeur de genièvre ; comme des pattes de canard, au bout de ses bras boulus, ses mains ramaient l'air et poussaient des choses lourdes. Et tout son corps parfois se soulevait vers le soleil, avec un battement d'ailes rac- courci et poussif, un trémoussement de pingouin.

Il se raidit tout à coup, braqua comme un astrologue son bras sur le météore, et en haut et le long, il coula son oeil trouble.

— Il est midi — dit-il, — pour s'orienter, on fait face au soleil. Voici le Sud.

Son bras bascula, perpendiculaire. Il dit : — A gauche, l'Est. — Il étendit l'autre bras. — A droite, l'Ouest. "

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