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LE LYRISME DE GŒTHE 9I

me refuse à croire qu'à Londres, au temps d'Elisa- beth, non plus qu'en Espagne au temps de Philippe II, Gœthe eût imaginé les hommes et les faits à la façon d'un Shakespeare ou d'un Cervantes.

Gœthe est proclamé par Dilthey : le plus grand lyrique de tous les temps. Disons simplement qu'il est sans nul doute le plus varié, le plus souple, le plus complet. D'autres ont atteint par- fois, soit à des nuances plus exquises, soit à des transports plus véhéments. D'autres surtout ont déployé plus de magnificence verbale, avec une ampleur d'images plus soutenue. Ne contestons pas ce point aux adorateurs d'un Victor Hugo. Mais sans dire, avec la plupart des critiques allemands, qu'en pareille matière l'opinion des Français ne compte pas, avouons que parmi nous les plus cultivés seulement parviennent à distin- guer le lyrisme de l'éloquence, alors que notre tradition poétique les présente le plus souvent confondus. Brunetière n'a jamais bien expliqué comment le lyrisme français serait né de l'oraison funèbre et du sermon ; mais l'analogie entre les deux genres est réelle ; réel aussi, l'attachement de nos poètes à des lieux communs, peu différents de ceux qu'affectionnent les orateurs de la chaire. La Nature et Dieu, l'Amour et la Mort, — sur cette étoffe banale le talent et le génie vont brodant des variations qui la renouvellent à l'infini ; le fond

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