Page:NRF 3.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans la clarté de la fenêtre. Il tournait autour d’elle comme s’il eût voulu l’entourer d’un cercle fait de lui-même. Il tâchait de lui ouvrir les doigts qu’elle tenait serrés contre ses paumes, comme si elle y enfermait un secret. Puis il s’intéressait au travail de sa vieille amie. Il soulevait les étoffes et disait :

— Pourquoi faites-vous des robes noires ? Les femmes devraient toujours porter des robes blanches.

Il revenait aux mains de Marie Donadieu. “ Ouvre-les, disait-il, afin que tout soit clair en toi ”.

Un jour d’automne, il apprit que Marie était partie avec un homme riche. Les plis soucieux qu’il avait au front se creusèrent davantage. À chaque instant il ouvrait la bouche pour respirer, on eût dit qu’une chose énorme et que personne ne voyait cherchait à lui écraser la poitrine. Il disait à la couturière :

— Quand j’étais tout petit, je la connaissais déjà. Elle était dans tous mes rêves avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus. Il mettait une chaise devant la fenêtre comme si Marie allait s’asseoir dessus tout à l’heure, et il disait avec un froncement douloureux du front :

— Il faut qu’elle revienne.

Charles et Michel qui aimaient profondément Philippe se rapprochèrent davantage de lui. Par les longues soirées d’hiver, ils s’installaient dans le sous-sol de la taverne du Panthéon.

Charles-Louis Philippe était à la fois timide et audacieux. Il n’osait pas renvoyer une consommation que le garçon apportait par erreur, et il regardait les femmes en redressant hardiment le visage. “ Toutes les femmes sont belles, disait-il. Elles ont une bouche qui sourit et des cils qui battent ”.