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212 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

repas n'était pas tout. Il était précédé et suivi d'une longue promenade par la ville.

Des fois, mademoiselle Jeanne Tournayre était de la partie — fillette brune et fraîche, sérieuse et réfléchie, au regard déjà profond. Elle prenait son oncle par le bras, et l'oncle lui faisait choisir parmi les bazars forains alignés sur la place, le jouet de ses rêves, ou même s'installait avec elle sur les chevaux de bois.

Quand la petite n'y était pas, nous poussions jusqu'au foirail, à l'autre extrémité de la ville, près de la route qui, au travers de la plaine, conduit à la grande forêt de Tronçais, distante d'une lieue.

Souvent nous rencontrions son parrain, un entre- preneur de roulages et de terrassements, habitant une commune voisine ; c'était une façon de géant, haut en couleurs, sérieux et réjoui, l'air de quelqu'un qui est sûr de lui, qui s'avance avec assurance dans la vie et ne s'embarrasse pas de sentiments complexes — l'antithèse absolue de Philippe. Nous allions ensemble au café et le filleul questionnait le parrain sur ses affaires. A la fin, ce dernier disait aussi :

— Et toi, ça marche à peu près à Paris ?

— Mais oui, ça va tout doucement.

— Viens donc me voir avant de t'en retourner ?

— Non, pas possible, tous mes jours sont pris : ce sera pour l'année prochaine.

La rencontre d'un ancien camarade de classe, paysan ou petit boutiquier, provoquait un bout de dialogue du même genre :

— Ah ! tu es donc au pays ? faisait l'indigène.

— Oui, je suis venu en vacances comme tous les ans. ..

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