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LETTRES 253

VI

A M. Max Elskamp.

Paris, le 16 avril 1907.

Mon bon frère, le silence et l'éloignement n'ont rien enlevé à la tendresse que je te porte. Notre affection est une chose si sûre qu'elle peut se passer de témoignage. Mais écris moi quelques fois, mon cher Max, donne-moi des nouvelles de ta santé. Parle-moi de ton travail et rappelle-toi quand tu es triste que tu as à Paris un bon ami qui pense à toi.

Je t'écris sur une lettre de deuil, tu vois. Ta lettre m'est arrivée dans mon pays. Il y a quinze jours que j'ai perdu mon père. Il est mort subite- ment, à 67 ans, d'une embolie au cœur. Sa vie a été admirable. Il a laissé un bel exemple d'énergie. Il était très bon, il m'aimait infiniment. Quand je pense à lui, je veux devenir meilleur, je veux me rendre digne de l'héritage qu'il m'a laissé. Je voudrais faire de beaux livres courageux pour lui faire plaisir. Je voudrais surtout, pour combattre la mort, faire quelque chose d'admirable de cette vie qu'il m'a donnée.

Voici que je suis un homme. Il me faut porter avec courage mon chagrin, consoler ma mère qui est restée là-bas et lui apprendre à accepter la vie comme elle est. Je n'en suis plus au temps des

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