JOURNAL SANS DATES 299
perchent des kakatoès, dans un paysage australien où circulent des kanguroos peu sauvages.
Une automobile s'arrête à la porte du cimetière ; c'est Fargue ; il arrive comme s'achèvent les discours.
Je suis heureux de le voir là ; sa douleur est profonde ; comme celle de tous ceux qui sont ici d'ailleurs ; mais il semble, de plus, que Fargue représente ici tout un groupe d'amis absents et précisément des meilleurs, et vienne apporter leur hommage.
Nous rentrons à l'hôtel où Madame Philippe nous convie ; son gendre M. Tournayre la représente. Je suis assis auprès de lui ; il me raconte certains traits de la première enfance de son beau-frère :
— Dès l'âge de cinq ou six ans, dit-il, le petit Louis jouait à " aller à l'école ; " il s'était fait de petits cahiers qu'il mettait sous son bras, puis disait :
— Maman, adieu ; je m'en vais à l'école.
Il s'asseyait alors dans un coin de l'autre pièce, sur un escabeau, tournait le dos à tout... Puis au bout d'un quart d'heure, la classe imaginaire était finie ; il rentrait.
— Maman, l'école est finie.
Mais un beau jour, sans rien dire à personne, se sauvant de chez lui, il y alla pour de vrai, à l'école ; il n'avait que six ans : le maître le renvoya. Le petit Louis revint. Le maître, alors :
— Qu'est-ce que tu viens faire ici ?
— Mais... apprendre.
On le renvoie encore ; il est trop jeune. L'enfant s'ob- stine et fait si bien qu'il obtient une dispense d'âge. Le voilà qui commence sa patiente instruction.
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